L'ENFER DES MINES DE CHARBON DE JHARIA
Jharia est une terre maudite. Située dans l?État du Jharkhand, à l?est de l?Inde, la région abrite en son sol la plus grande réserve de charbon du pays. Entre 20 et 30% de la production totale de charbon indien provient de ses immenses mines à? ciel ouvert, qui défigurent le paysage sur plus de 280 kilomètres carrés. Cette ressource est essentielle pour la course à la modernisation du pays, dont l'appétit en énergie ne cesse de s'accroître jour après jour.
Au fond des mines, gouvernement et entreprise, dont le Bharat Coking Coal Limited (BCCL), extraient le précieux minerai à l?aide d'imposantes machines. Sur les côtés en revanche, les habitants de la région se succèdent pour récolter illégalement la ressource, dans l?espoir de la revendre.
Au total, près de 50.000 personnes travaillent illégalement de la sorte dans l?une des mines de la région. Parmi eux, environ 20.000 enfants, notamment les jeunes filles, qui, si elles se font attraper par la police, se font bien moins réprimander que les hommes. Chaque jour, dès quatre heures du matin, ils descendent dans les profondeurs des mines à ciel ouvert, pour, en fin de journée, revendre leur récolte environ 2 euros.
Pour les populations locales, le charbon est un fléau à double tranchant: c?est à la fois une ressource nourricière, vitale, et une plaie, qui tue à petit feu, fauchant celles et ceux qui s?y aventurent trop souvent. Les nombreuses mines à ciel ouvert s'étalent progressivement, comme une tache d?huile, défigurant les paysages et engloutissant les villages qui ne se sont pas déjà écoulés. Sous leurs pieds, à quelques mètres de profondeur, le charbon enfoui brûle en continu depuis 1916, affaissant les sols d?où s'échappe du méthane à longueur de journée. La nuit, les flammes se réveillent particulièrement.
Selon les chiffres officiels (bien en dessous de la réalité) 25 enfants meurent dans ces mines chaque année. C?est sans compter les innombrables maladies qui touchent les jeunes et moins jeunes. En respirant des gaz toxiques et de la poussière de charbon, beaucoup souffrent de tuberculose, d'asthme, d'asbestose, de pneumoconiose et d'allergies cutanées. De nombreux enfants de Jharia sont nés avec des malformations, et beaucoup sont rabougris.
Jharia est une prison de charbon, de feu et de gaz, dont il est presque impossible de s?évader. Au milieu de ce chaos, des ONG tentent d?éduquer coûte que coûte les jeunes générations, espérant ainsi les sortir progressivement de la pauvreté. Selon le gouvernement du Jharkhand, l'État compte 39,1% de personnes en dessous du seuil de pauvreté (BPL) contre des taux nationaux de 29,8%.
Mais les défis sont de tailles. Les mines s'étalent de plus en plus. Pire, le gouvernement indien souhaite encore accélérer la cadence, alors que le monde traverse une crise énergétique inédite. De nouvelles mines devraient ainsi voir le jour, dans l?enfer de Jharia.
THE COAL MINES OF JHARIA
Jharia is a cursed land. Located in the eastern Indian state of Jharkhand, the region holds the country's largest coal reserve in its soil. Between 20 and 30% of India's total coal production comes from its huge open-pit mines? which disfigure the landscape over 280 square kilometers. This resource is essential to the country's race to modernize, as its appetite for energy continues to grow day by day.
At the bottom of the mines, the government and companies, including the Bharat Coking Coal Limited (BCCL), extract the precious ore with the help of imposing machines. On the other hand, on the sides, the inhabitants of the region take turns to illegally harvest the resource, in the hope of selling it.
In total, nearly 50,000 people are working illegally in one of the mines in the region. Among them, about 20,000 children, especially young girls, who, if caught by the police, are much less reprimanded than the men. Every day, from four in the morning, they go down into the depths of the open-cast mines, to sell their harvest at the end of the day for about 2 euros.
For the local population, coal is a double-edged sword: it is both a vital food resource and a scourge that kills little by little, mowing down those who go there too often. The numerous open-pit mines are gradually spreading out, like an oil stain, disfiguring the landscape and swallowing up the villages that have not already disappeared. Under their feet, a few meters deep, the buried coal has been burning continuously since 1916, collapsing the soil from which methane gas escapes all day long. At night, the flames are particularly intense.
According to official figures (which are far from the reality) 25 children die in these mines every year. This is without counting the countless diseases that affect young and old. By breathing toxic gases and coal dust, many suffer from tuberculosis, asthma, asbestosis, pneumoconiosis and skin allergies. Many children in Jharia are born with deformities, and many are stunted.
Jharia is a prison of coal, fire and gas, from which it is almost impossible to escape. In the midst of this chaos, NGOs are trying to educate the younger generation at all costs, hoping to gradually lift them out of poverty. According to the Jharkhand government, 39.1% of the state's population lives below the poverty line (BPL), compared to the national rate of 29.8%.
But the challenges are huge. The mines are spreading out more and more. Worse, the Indian government wants to speed up the process even more, while the world is going through an unprecedented energy crisis. New mines will be opened in the hell of Jharia.