FRANCE - PARIS ZONE ROUGE II - PORTRAITS (extrait)
Premier couvre-feux.
La pandémie du coronavirus ne cesse de s étendre. Paris est toujours en zone rouge.
Après un confinement en mars 2020, puis un déconfinement en mai, le Président Macron annonce, le mercredi 14 octobre, le rétablissement de l état d urgence sanitaire sur l ensemble du territoire. Le « couvre-feu » est instauré à partir de 21 h dès le samedi 17 octobre.
La tension est vive et palpable dans les rues de Paris. Comme tous ceux de ma génération, j ai eu la chance de ne pas connaître la mise en pratique d un couvre-feu. Jusqu à aujourd hui. Son application a des raisons bien différentes des précédentes évidemment, mais le terme reste corrosif. D après la définition du Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL), « couvre-feu » au sens propre signifie « interdiction de circuler, de sortir de chez soi [...] », et au sens figuré « étouffement de l intelligence [...], déclin ou fin de quelque chose qui représentait une valeur collective ».
Interdiction, étouffement, déclin... Ce couvre-feu, censé stopper la propagation du virus et nous épargner un deuxième confinement, ne peut rien à nos angoisses. Nous avons toujours été libres, libres de se retrouver à une terrasse de café, dans un restaurant, libres de faire la fête, libres de voir un spectacle, une exposition ou un film, et libres d en discuter avec nos amis. Libres de se divertir. Mais le divertissement n est pas essentiel paraît-il. Pourtant, il nous rend joyeux, festifs et insouciants. il s est toujours apparenté à nos valeurs collectives. L interdire c est nous étouffer, nous bâillonner. Mais on l accepte. Nous n avons guère le choix car notre ennemi ne fait pas dans la dentelle. Il tue à grande échelle. Alors on accepte le masque sur notre visage, on accepte de rentrer directement chez soi le soir après notre travail. On s isole, il le faut. On attend les jours meilleurs. Notre seul espoir. Mais je ne peux m empêcher de lire sur les visages masqués, sur la posture des corps, la crainte et le questionnement sur demain. Je voulais capter ce sentiment d incertitude. Je pris donc mon petit Fuji pour me faire discrète et choisis Montmartre pour son âme et ses lumières. L atmosphère était douce et pourtant, les clichés me parlaient. Leur langage, teinté de rouge et de flou venait exprimer le chamboulement d une époque. Ils me dévoilaient des gens persécutés, traqués par une chose dans l air, qu on appelle virus, et qui circule, elle, en toute liberté.
FRANCE - PARIS RED ZONE II - PORTRAITS (excerpt)
First curfews.
The coronavirus pandemic continues to spread. Paris is still in the red zone.
After a confinement in March 2020, then a deconfinement in May, President Macron announced, on Wednesday October 14, the restoration of a state of health emergency throughout the country. The "curfew" was instituted from 9 p.m. on Saturday, October 17.
Tension was high and palpable in the streets of Paris. Like all those of my generation, I was lucky enough not to know how a curfew was implemented. Until today... Its application has very different reasons from the previous ones of course, but the term remains corrosive. According to the definition of the National Center for Textual and Lexical Resources (CNRTL), "curfew" literally means "prohibition to circulate, to leave one's home [...]", and figuratively "smothering of intelligence [...], decline or end of something that represented a collective value".
This curfew, which is supposed to stop the spread of the virus and spare us a second confinement, can do nothing to ease our anxieties. We ve always been free, free to meet at a café terrace, in a restaurant, free to party, free to see a show, an exhibition or a movie, and free to discuss it with our friends. Free to have fun. But entertainment isn't essential, it seems. Yet it makes us joyful, festive and carefree. It has always been part of our collective values. To forbid it s to suffocate us, to gag us. But we accept it. We ve no choice because our enemy doesn t make lace. He kills on a large scale. So we accept the mask on our face, we accept to go straight home in the evening after our work. We isolate ourselves, it s necessary. We wait for better days. Our only hope. But I can t help but read about the masked faces, the posture of the bodies, the fear and the questioning about tomorrow. I wanted to capture this feeling of uncertainty. So I took my little Fuji to be discreet and chose Montmartre for its soul and its lights. The atmosphere was soft and yet the clichés spoke to me. Their language, tinged with red and blurred, came to express the upheaval of an era. They revealed to me persecuted people, stalked by something in the air, called a virus, which circulates freely.