Cow-boy Legacy
Arrivée juste avant la tombée de la nuit au DD Ranch Work, le moment était bien choisi sans l'avoir prévu, chacun finissait ses tâches de la journée et le barbecue allait être lancé. On ne parle pas d'un barbecue de campagne à hauteur d'homme fabriqué dans un métal miroir, bien trop brillant pour faire cuire des merguez. On parle de feu, de bois, au sol, grille posée sur le foyer. La passion des cowboys du ranch devenait évidente à cet instant précis, et l'odeur des braises enclenchait les premiers clics de mes appareils.
Le métier de cow-boy, manuel & fort, aux valeurs marquantes, donne un air toujours plus masculin et charismatique à celui qui revêt les chaps, à 1000 lieux des horaires de bureau et des costards cravates. Beaucoup d'hommes viennent au DD Ranch en recherche de leur masculinité, persuadés qu'avec un chapeau et des bottes, ils la trouveront enfin. Beaucoup entendent mais finalement, n'écoutent pas. La passion Cow-boy, ça n'est pas que ça, loin de là. On lit beaucoup de choses dans leur regard. Didier le boss du ranch, a ce petit pic de sincérité dans l'oeil, rare et précieux. Dévoué à sa passion, comme Fabrice et Max, ses amis d'une vie et compagnons de travail de tous les jours. Il partage sa vie avec Alison depuis des années, ils se sont mariés dans le manège du ranch, aménagé pour l'occasion. Elle le rejoindra bientôt à temps complet dans la gestion du Ranch. La Passion cow-boy est contagieuse. Il faut que je fasse attention.
La nuit tombe, on mange dans la pièce à vivre ouverte sur la sellerie. Ici, on ne se donne pas un genre. On EST cow-boy. Ce soir, c'est Fabrice qui fait les frites. Attention, le boss est belge, Fabrice a intérêt à y mettre du coeur, et à mesurer ses morceaux de pommes de terre. Oui, les concours de frites arrivent fréquemment au ranch.
La passion pour le monde du Western est un réel art de Vivre pour Didier. Son humilité se dévoile un peu plus lorsqu'il parle des cow-boys américains. Comme Fabrice et Max, Didier travaille aux Etats-Unis plusieurs mois dans l'année, mais est cantonné à la France depuis le début de la crise sanitaire. Nostalgiques, ils parlent de l'Amérique comme des reporters parleraient du travail de Steve McCurry en Afghanistan. Alison pose une bouteille de Rhum sur la table. Je ne pensais pas entrer dans le vif du sujet avant le lendemain..
C'est le début d'une conversation qui pose les bases de l'esprit cow-boy. J'ai l'impression d'être au milieu d'un triangle puissant d'énergie et de fraternité, dont les sommets sont ces trois gars-là. Preuve en est. Quand Fabrice a perdu ses cheveux à cause du cancer, Didier et Max se sont rasés la tête par solidarité. Alison rit et lance « pour certains, ça a du mal à repousser. » en montrant du doigt le crâne de son homme, un peu dégarni. Quand j'aborde le sujet de la fraternité, Fabrice dit sobrement: « C'est simple à comprendre, on ne se le dit pas mais on ferait le tour du monde pour se venir en aide, c'est comme ça.». Je comprends à nouveau quelque chose. Ils n'ont pas appris à l'être. Tous les 3 appartenaient déjà à ce monde avant même d'y mettre les pieds. Ils ont cette notion du bien commun, ancrée dans leurs esprits. Les problèmes personnels de chacun ne viennent pas s'immiscer dans la communauté. C'est le deuxième verre de rhum et j'ai l'impression de tenir ces valeurs dans le creux de mes mains.
Petit-déjeuner. Il y a beaucoup à faire et pas assez d'heures dans une journée. Depuis une semaine, la journée commence par des soins. Une vache en plein vêlage est tombée dans un ravin, les pompiers ont dû intervenir mais finalement, Didier a inventé un treuil avec les outils du ranch pour la sortir de là. Elle a mis bas sur place, mais le veau n'a pas survécu. Au moment du reportage, elle ne se levait plus, incapable de tenir sur ses quatre pattes. Alors chaque matin et chaque soir depuis l'accident, ils la lèvent à l'aide d'un treuil et d'un tracteur, comme une mini-grue faite maison. Ils lui étirent les jambes, reproduisent les gestes des ostéopathes, la soulèvent pour qu'elle puisse manger debout. L'image est impressionnante. Déjà plus de 1000 euros de soins pour cette vache. S'ils peuvent soigner leurs animaux, ils le feront jusqu'au bout, ils ne les abandonnent pas à leur sort quand les évènements leurs chuchotent pourtant que c'est perdu d'avance.
On va monter à cheval. Avec mes petites bottines et mon jean, j'ai l'air ridicule. Je n'ai pas monté un cheval depuis des années. Pour eux, l'habit est une institution. Chaps, chapeau, éperons et selles western pour leurs chevaux. Pendant qu'il boucle ses chaps, Didier m'explique: « ça n'est pas seulement pour faire joli, tu comprends, tout a une utilité. Par exemple, les petites ficelles qui pendent font goutter la pluie vers le bas.». Quand Fabrice me présente un de ses chevaux, il en parle comme le vainqueur de plusieurs prix western, sans jamais évoquer les dons du cavalier. Il ne réalise pas que ses valeurs mériteraient un prix, elles aussi.
Partis à 5 chevaux pour aller chercher les vaches dans le champs du haut, je suis au coeur du sujet. La technique cow-boy avec les troupeaux est belle à voir, elle est aujourd'hui indispensable dans certains états d'Amérique, dont les terrains sont toujours impraticables autrement que sur le dos d'un cheval. Didier aime faire une chose après l'autre. Il rit en me disant qu'il a donc choisi le mauvais métier. Je suis fascinée par sa capacité à créer avec les aléas de la journée: « Mince, la boule de remorquage est trop basse pour la bétaillère. Ah? Les branchements ne s'accordent pas. Attends! Je reçois un appel de Fabrice. Oups! Les vaches font demi-tour et se coincent à l'entrée de la bétaillère.». Ils avancent dans leur journée en trouvant une solution à chaque obstacle. En observateur derrière l'objectif, on voit très vite ceux qui font semblant. Ces gars-là n'en font pas partie.
Le DD Ranch Work vend de la viande, oui, on s'en doutait. Mais ils ont instauré des règles. C'est la plus vieille vache qui part en premier. Tous leurs animaux doivent avoir une belle vie, c'est le pacte qu'ils ont fait avec la nature. Didier mène son ranch avec une parfaite justesse, Max travaille dans la constance avec le regard tenace, et Fabrice est l'aide efficace et précieuse, l'âme douce du ranch. Je l'imagine comme un petit porte-bonheur qu'on tient fort dans ses mains pour que tout se passe bien. Avec eux, on comprend ce que signifie le mot « ENSEMBLE ».
Quand Didier a une demande de débourrage ou de perfectionnement pour un cheval, il facture les trois premiers mois. Si selon lui, le cheval n'est pas « prêt » au bout de trois mois, il ne le rend pas à son propriétaire, le temps supplémentaire est à ses frais. C'est de l'Altruisme. Un certain dévouement. Et ça lui va comme un gant.
Pour ces gars-là, tout est dans la norme de l'éducation donnée aux chevaux. Didier recommence parfois à zéro avec les chevaux qu'on lui confie: « Il ne faut pas être gentil, ou dur. Il faut être juste. S'adapter à l'animal. ». Si son travail est d'éduquer un cheval trop gâté par son propriétaire et élevé dans le confort permanent, aucune récompense ne sera assez élevée pour lui montrer que ce qu'il fait est bien. « A défaut de pouvoir aller au-dessus, il faut redescendre et marquer à nouveau l'écart entre le confort et l'inconfort », réduire le luxe éducatif pour que le cheval puisse à nouveau apprécier ses récompenses et apprendre à connaître la différence entre Bien et Mal. Cela prend tout son sens avec les enfants. Un enfant cajolé dont la norme éducative se base sur un trop gros confort appréciera moins une récompense que celui qui s'amuse avec des cailloux dans une rue mal éclairée. Ce sont ces notions de confort et d'inconfort qui doivent être proportionnelles, qui dépendent de celui qui élève. L'élevage c'est ça, au DD Ranch.
Avec une note d'épicurisme, ce sont des passionnés, ils partagent avec enthousiasme, donnent avec ardeur. Tout ce qu'ils font ensemble est vécu intensément. Et tout est interconnecté. En vivant ainsi, ils s'assurent un contentement permanent, qui se déroule sur leurs actes, leurs pensées, leurs choix et leurs idées comme une bandage de bien-être qui n'a jamais de fin. Je ne connais pas meilleur art de vivre.
Cow-boy Legacy
Arriving just before nightfall at DD Ranch Work, the timing was unplanned, everyone was finishing up their chores for the day and the barbecue was about to be launched. We're not talking about a man-high country barbecue made of mirror metal, far too shiny to cook merguez. We're talking about a fire, wood, on the ground, grill placed on the hearth. The passion of the cowboys of the ranch became obvious at this precise moment, and the smell of the embers triggered the first clicks of my devices.
The cowboy profession, manual & strong, with striking values, gives an ever more masculine and charismatic air to the man who dons the chaps, a thousand miles from office hours and suits and ties. Many men come to DD Ranch in search of their masculinity, convinced that with a hat and boots, they will finally find it. Many hear but don't listen. Cowboy passion is not just that, far from it. You can read a lot of things in their eyes. Didier, the boss of the ranch, has this little peak of sincerity in his eye, rare and precious. Devoted to his passion, like Fabrice and Max, his lifelong friends and daily work companions. He shares his life with Alison since years, they got married in the ranch's riding hall, fitted out for the occasion. She will soon be joining him full time in the management of the Ranch. Cowboy passion is contagious. I have to be careful.
When night falls, we eat in the living room open to the tack room. Here, we don't give ourselves a genre. One IS cowboy. This evening, it is Fabrice who makes the fries. Attention, the boss is Belgian, Fabrice has interest to put there heart, and to measure his pieces of potatoes. Yes, the contests of fries happen frequently at the ranch.
The passion for the Western world is a real art of living for Didier. His humility reveals itself a little more when he talks about American cowboys. Like Fabrice and Max, Didier works in the United States for several months of the year, but has been confined to France since the beginning of the health crisis. Nostalgic, they talk about America as reporters would talk about Steve McCurry's work in Afghanistan. Alison puts a bottle of rum on the table. I didn't think I'd get to the heart of the matter until the next day...
This is the beginning of a conversation that lays the groundwork for the cowboy spirit. I feel like I'm in the middle of a powerful triangle of energy and brotherhood, whose apexes are these three guys. The proof is in the pudding. When Fabrice lost his hair to cancer, Didier and Max shaved their heads in solidarity. Alison laughs and says "for some people, it has trouble growing back. Alison laughs and says "for some people, it's hard to grow back", pointing to her man's balding head. When I bring up the subject of brotherhood, Fabrice says soberly: "It's easy to understand, we don't say it to each other but we would go around the world to help each other, that's how it is. I understand something again. They did not learn to be. All three of them belonged to this world before they even set foot in it. They have this notion of the common good, ingrained in their minds. The personal problems of each one do not interfere with the community. This is the second glass of rum and I feel like I am holding these values in my hands.
Breakfast. There is a lot to do and not enough hours in the day. For the past week, the day has begun with care. A cow in the middle of calving fell into a ravine, the firemen had to intervene but finally Didier invented a winch with the ranch's tools to get her out. She gave birth on the spot, but the calf did not survive. At the time of the report, she could no longer stand up, unable to stand on her four legs. So every morning and evening since the accident, they lift her with a winch and a tractor, like a homemade mini-crane. They stretch her legs, reproduce the gestures of osteopaths, lift her so that she can eat standing up. The image is impressive. Already more than 1000 euros of care for this cow. If they can take care of their animals, they will do it until the end, they do not abandon them to their fate when events whisper to them that it is lost in advance.
We're going to ride. With my little boots and my jeans, I look ridiculous. I haven't ridden a horse in years. For them, dress is an institution. Chaps, hat, spurs, western saddles. While he buckles his chaps, Didier explains to me: "It's not just for looks, you understand, everything has a purpose. For example, the little strings that hang down make the rain drip down". When Fabrice introduces me to one of his horses, he talks about it as the winner of several western prizes, without ever mentioning the rider's gifts. He doesn't realize that his values deserve a prize, too.
We left with 5 horses to get the cows in the upper field, I am in the heart of the matter. The cowboy technique with the herds is beautiful to see, it is today indispensable in some states of America, whose grounds are still impassable otherwise than on the back of a horse. Didier likes to do one thing after another. He laughs when he tells me that he chose the wrong job. I am fascinated by his ability to create with the hazards of the day: "Damn, the tow ball is too low for the cattle truck. The connections don't match. Wait a minute! I get a call from Fabrice. Ouch! The cows turn around and get stuck at the entrance of the truck". They move forward in their day by finding a solution to each obstacle. Watching from behind the lens, you can see very quickly who is faking it. These guys aren't one of them.
DD Ranch Work sells meat, yes, we figured that. But they have rules. The oldest cow goes first. All their animals must have a good life, that's the pact they made with nature. Didier runs his ranch with perfect accuracy, Max works steadily with a tenacious eye, and Fabrice is the efficient and precious helper, the gentle soul of the ranch. I imagine him as a small lucky charm that you hold tightly in your hands so that everything goes well. With them, we understand what the word "TOGETHER" means.
When Didier has a request for breaking-in or improvement for a horse, he charges for the first three months. If, in his opinion, the horse is not "ready" after three months, he does not return it to its owner, the additional time is at his expense. This is altruism. A certain dedication. And it fits him like a glove.
For these guys, everything is in the standard of education given to horses. Didier sometimes starts from scratch with the horses he is entrusted with: "You don't have to be nice, or hard. You have to be fair. Adapt to the animal. ". If his job is to educate a horse that is too spoiled by its owner and raised in permanent comfort, no reward will be high enough to show him that what he is doing is right. "If you can't go above, you have to come down and mark the gap between comfort and discomfort again," reducing the educational luxury so that the horse can once again appreciate its rewards and learn to know the difference between Good and Evil. This makes sense with children. A cuddled child whose educational norm is based on too much comfort will appreciate a reward less than one who plays with rocks in a poorly lit street. It is these notions of comfort and discomfort that must be proportional, that depend on the one who raises. That's what breeding is all about at DD Ranch.
With a note of epicureanism, they are passionate, they share with enthusiasm, give with zeal. Everything they do together is lived intensely. And everything is interconnected. By living this way, they ensure a permanent contentment, which unfolds on their actions, thoughts, choices and ideas like a bandage of well-being that never ends. I don't know of a better way to live.