L'impossible ordinaire, soignants en Guyane
Plus que le fleuve, ce qui unit les soignants du Maroni, c'est un esprit d'aventure, esprit de débrouille qui fait que l'on réalise beaucoup avec pas grand-chose. Ici les moyens sont destinés à répondre à des maux qui ne sont pas tout à fait les mêmes qu'ailleurs : Accidents domestiques à la machette, accouchements inopinés, camps d'orpaillage, accidents de pirogue, faune d'une hostilité tropicale,...
Un centre délocalisé de prévention et de santé (CDPS), c'est une ruche en perpétuel mouvement où l'on se démène pour ne pas que la mécanique s'arrête. Le relais se passe, de garde en astreinte. Les échanges sont permanents. Un conseil glissé avant une intervention, la mise à plat d'un protocole, un partage d'expérience plus poussé, afin que l'autre soit prêt à affronter un nouveau type de situation.
Être soignant en milieu isolé nécessite de se tenir prêt à l'imprévisible, de gérer la surprise en équipe réduite. Savoir dépasser sa fonction pour aider à résoudre une situation difficile, en équipe, toujours. Médecins, infirmières, infirmiers ou sages-femmes viennent ici pour vivre une expérience, une aventure utile. Mais être là, veut aussi dire être ensemble. Lieu de travail, lieu d'échanges, de rencontre, le Centre de santé est pour eux un repère qui devient presque un lieu de vie, leur centre de gravité. Remède à la solitude, cette ambiance de grande famille médicale peut engendrer une certaine fatigue, avec l'impression de ne jamais couper. La vie du dispensaire nourrissant toutes les conversations.
C'est sans doute pour une partie de ces raisons que les soignants viennent ici et repartent, souvent sur des contrats courts de 6 mois ou 1 an. Une situation qui génère un sous-effectif chronique, où les centres se retrouvent en équilibre instable, constamment à la recherche de nouveaux candidats. Parfois, les soignants poursuivent l'expérience et mettent le cap sur un nouveau centre de santé, sur l'Oyapock ou ailleurs en Outre-mer. Il arrive tout de même qu'ils posent leurs valises, maîtrisent la langue du fleuve et s'installent pour longtemps parmi la population locale. La Guyane présente ce paradoxe qu'on y est souvent pour 1an ou pour 20ans, sans qu'il y ait une grande place pour l'entre-deux.
The impossible ordinary, carers in French Guiana
More than the river, what unites the caretakers of the Maroni is a spirit of adventure, a spirit of resourcefulness, which means that a lot can be achieved with little. Here the means are intended to respond to ills that are not quite the same as elsewhere: domestic accidents with machetes, unexpected births, gold panning camps, dugout accidents, tropical hostile fauna,...
A relocated prevention and health centre (CDPS) is a beehive in perpetual movement where people are constantly struggling to keep the machinery moving. The relay takes place, from guard to on-call duty. The exchanges are permanent. A piece of advice given before an operation, the review of a protocol, a more in-depth sharing of experience, so that the other is ready to face a new type of situation.
Being a caregiver in an isolated environment requires being prepared for the unpredictable and managing surprises in a small team. Knowing how to go beyond one's function to help solve a difficult situation, always as a team. Doctors, nurses or midwives come here to live an experience, a useful adventure. But being here also means being together. A place of work, a place of exchange, a meeting place, the Health Centre is for them a landmark that becomes almost a place of life, their centre of gravity. As a remedy for loneliness, this atmosphere of a large medical family can lead to a certain fatigue, with the impression of never being able to stop. The life of the dispensary nourishes all conversations.
It is undoubtedly for some of these reasons that the carers come here and leave, often on short contracts of 6 months or 1 year. A situation that generates a chronic understaffing, where the centres find themselves in an unstable balance, constantly looking for new candidates. Sometimes, the carers continue the experience and head for a new health centre, the Oyapock or elsewhere in the French Overseas Territories. Even so, they may still put down their suitcases, master the language of the river and settle for a long time among the local population. Guyana presents the paradox that we are often there for 1 or 20 years, without much room for the in-between.