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Jeune Algérie
Le quartier de Sidi El Houari est chargé de l'histoire de la capitale des deux Lions. Fondé au début du Xe siècle, ce musée à ciel ouvert a été occupé par les Espagnols, les Ottomans et les Français. C'est le plus ancien quartier d'Oran. Abandonné par l'Etat algérien, il est largement détruit. Ici vivent les dernières familles qui attendent une réinstallation promise par le gouvernement. Souvent au chômage, les jeunes du quartier vivent dans une grande instabilité sociale et survivent avec la rue. Après avoir quitté les études jeunes, ils n'ont accès qu'à des emplois sous-payés. Ici, le « dégouttage » (en avoir assez de la situation) est la règle.
Le quartier de Casbah dans le centre d'Alger suit le même chemin, les ruines sont partout et les jeunes se sentent abandonnés et sont souvent réprimés par le gouvernement. La société algérienne est principalement composée de jeunes (70%) et ils sont massivement au chômage sans perspectives, surtout dans ces quartiers populaires des grandes villes. Le manque de perspective et de cadre social conduit ces jeunes à s'évader d'une vie quotidienne difficile et à s'enfuir dans la drogue, ne pensant qu'à immigrer en Europe comme un Eldorado.
Pendant les manifestations contre le système politique et le clan Bouteflika, les jeunes ont montré leur maturité politique et la société les a reconnus comme faisant partie du processus révolutionnaire en cours. Il est grand temps que l'Algérie passe le flambeau aux jeunes générations.
«Tadi Taxi Oula Saroukh?» (Allez-vous prendre un Taxi ou une Fusée ?) est une phrase qui revient souvent à Sidi El Houari et à la Casbah. Les jeunes parlent alors de médicaments détournés à des fins récréatives. Le Lyrica (connu sous le nom de Rocket, « Saroukh ») est l'un d'eux : prescrit comme antileptique et anxiolytique, le Lyrica a les mêmes effets que la cocaïne ou toute autre drogue dure, à savoir une dépendance très forte qui tue lentement. Le Lyrica a un tel succès chez les jeunes que les chanteurs de musique Raï en font l'un de leurs sujets principaux. Comme leurs amis de quartier, Ali, Fatah*, Zaki et Karim* vivent dans ce sentiment d'emprisonnement et ne rêvent que d'Europe. Leur vie quotidienne dans le quartier est basée sur la vie collective et de rue, un endroit où ils peuvent monter n'importe quelle forme d'affaires informelles. Ils sont des "voyageurs" comme ils aiment à dire.
Fatah*, 22 ans, se sent sans perspective et veut quitter l'Algérie à tout prix. Pour financer son voyage, il a longtemps vendu divers psychotropes dans la rue (Lyrica, exctasy, etc.), aidés par quelques jeunes du quartier. Karim* un de ses amis a géré sa traversée financée en partie par la vente de drogue et grâce à sa famille ; il vit maintenant dans un centre d'accueil des réfugiés en Espagne ; puis il s'est rendu en France à Paris. Cependant, d'autres travaillent dans des emplois sous-payés tout en continuant de vivre chez leurs parents dans des espaces clos sans intimité. Par exemple, Ali, 21 ans, travaille pour une société d'État. Son salaire est de 150 € par mois, ce qui ne lui permet pas d'être indépendant, ni de créer une famille, le forçant à envisager de quitter le pays. Zaki, 21 ans, travaille comme responsable des espaces verts pour la mairie d'Oran. Son salaire de 90€ par mois représente le salaire minimum national qui ne suffit pas à couvrir ses dépenses quotidiennes. Il a essayé de partir en 2015 et a été emprisonné en Turquie à la suite d'une tentative d'immigration illégale.
Confrontés à la « hogra » (mépris et injustice), le sens du collectif reste pour cette jeunesse une bouée de sauvetage en attendant d'autres horizons.
*Les prénoms ont modifiés
Young Algeria
The district of Sidi El Houari is charged with the history of the two Lions capital. Founded at the beginning of the 10th century, this open sky museum, has been occupied by the Spaniards, the Ottomans and the French.
It is the oldest district of Oran. Abandoned by the Algerian state, it is largely destroyed. Here live the last families waiting for a relocation promised by the government. Often unemployed, the young people of the neighbourhood live in a great social instability and survive with what s at hand. Having left young the studies they have only access to under paid jobs. Here the « degouttage » (getting sick of the situation) rules over.
The quarter of Casbah in Algiers center follows the same path, ruins are everywhere and young people feel abandonned and repressed by the government. The algerian society is mainly made of young people (70%) and they are massively on dole without any perspectives, especially in these popular quarters of big towns. During the demonstrations against the political system and the bouteflika clan, youth showed its political maturity and society recognized them as part of the revolutionary process in progress. It is high time for Algeria to pass the torch on to the younger generations.
The lack of perspective and social framework leads this youth to escape from a difficult daily life and to run away in drugs, thinking only of immigrating to Europe seen as an eldorado.
«Tadi Taxi oula Saroukh ?» (Are you gonna take a Taxi or a Rocket ?) is a sentence that often comes up in Sidi El Houari and the Casbah. The young people talk then about drugs diverted for recreational purposes. Lyrica (known as Rocket, « Saroukh ») is one of them : prescribed as antileptic and anxiolytic, Lyrica has the same effects as cocaine or any other hard drug, namely a dependence that slowly kills. The Lyrica has such a success among youth that raï music singers make of it one of their main topics. As their neighborhood friends, Ali, Fatah*, Zaki and Karim* live in this feeling of imprisonment and only dream about Europe. Their daily life in the neighborhood is based on the collective and street life, a place where they can undertake any form of informal businesses.They « sail » as they like to say.
Fatah*, 22, feels without perspective and wants to leave Algeria at all costs. To finance his trip he has long sold various psychotropics in the street (Lyrica, exctasy, etc.), helped by some young people from the quarter. Karim* one of his friends managed his crossing financed partially by selling drugs and thanks to his family ; he now lives in a refugees reception centre in Spain.
However, others work in underpaid employment while continuing to live at their parent's in confined spaces with no intimacy. For example, Ali, 21 years old, is a worker for a state company. His salary is 150€ per month, which does not allow him to be independent, nor to raise a family, forcing him to consider leaving the country. Zaki, 21, works as a green space maintainer for Oran town hall. His salary of 90€ per month represents the national minimum wage which is not enough to cover his daily expenses. He tried to leave in 2015 and was imprisoned in Turkey following an attempted illegal immigration.Living with his parents in an old substandard two rooms flat, he hopes an upcoming departure.
Indeed, facing the « hogra » (contempt and injustice), the sense of the collective remains for this youth a lifesaver while waiting for other horizons.