Pour accéder à la série en entier, vous devez vous logger ou demander un compte Hans Lucas en cliquant ici.
Qui sème la misère
(MAJ du 03/12/2018: une femme de 80 ans est décédée après avoir reçu des éclats de grenades)
-
Manifestations à Marseille, 1er décembre 2018.
Je pars de chez moi vers 14h30. Arrivé sur le boulevard de la Libération on m'informe qu'il y a encore peu de monde sur le Vieux Port, les Gilets Jaunes seraient en masse aux Terrasses du Port, qu'ils auraient d'ailleurs réussi à faire fermer. Je coupe et pars direction cours Julien, rejoindre la marche pour un logement digne pour toutes et tous organisée par le collectif du 5 novembre - Noailles en colère. Sur le chemin je croise plusieurs tags, tous dans le même esprit. Beaucoup plus de monde à Notre Dame du Mont, la marche démarre tranquillement escortée par la Police. Jeunes, moins jeunes, couples et familles sont là. Les retraités aussi, les SDF également. Premier arrêt devant la préfecture, propriétaires, locataires, SDF et commerçants de Noailles et de la Plaine se relaient au micro. On réclame de l'aide. Des explications. De l'écoute. Les gens semblent quelque peu perdus, se sentent délaissés par la mairie, les politiques. Cours Lieutaud puis rue de Rome, deuxième arrêt pour une minute de silence, respectée. Arrivée sur la Canebière nous rencontrons le cortège des Gilets Jaunes, moment de flottement mais aucun heurt, les gens se rassemblent tranquillement. Quelques drapeaux de la CGT, du NPA et du PCF. On aperçoit quelques antifascistes également mais toujours aucune violence. La Police veille discrètement, se prépare. L'ensemble des manifestants se dirige vers la mairie, quai du port. La mairie a été barricadée, des serflex assurant que les barrières ne soient pas retirée. Derrière ces barrières les CRS. Les manifestants commencent à crier leurs messages, leurs revendications. On insulte Gaudin, Macron, forcément. Un fumigène est craqué. Tout bascule. C'est le signal pour l'envoi de gaz lacrymogènes et grenades de dispersion par les CRS sur la foule où se mêlaient donc manifestants, badauds et touristes. La foule recule, petit moment de panique. Incompréhension de la plupart des gens qui étaient là pacifiquement. On ne comprend pas cette violence gratuite. Il est 18h et l'ambiance bienveillante et bon enfant du début a laissé place à un climat de chaos. Les sapins de Noël du Vieux Port sont incendiés en signe de contestation. Les barrières de chantier récupérées pour faire barricade et ralentir les charges de CRS. On ne respire quasiment plus sur le Vieux Port. Peu à Peu, la foule est repoussée jusque sur la Canebière où elle se réorganise. Fatigués d'être la cible perpétuelle des gaz, d'autres violences éclatent. Certains en profitent pour s'en prendre au mobilier urbain, à la vitrine de la boutique Orange. Mais rien de très méchant. Les pneus des voitures de Police stationnées furent crevés, on m'appris plus tard qu'il y eu même une voiture brûlée. Dans les rangs des manifestants encore présents à 19h, les mêmes messages que 4h plus tôt, des demandes d'explications, que les responsables politiques rendent des comptes, qu'ils soient enfin écoutés dans leur détresse, que les budgets disponibles soient utilisés pour les urgences. En face les mêmes réponses, gazage et charges systématiques. Le message de ce début d'après-midi ensoleillé était pourtant clair: "qui sème la misère récolte la colère". Il n'a à priori pas été compris ni même écouté. Il est 19h30 passé, je rentre chez moi avec un sentiment de déjà vu, un arrière goût de 2016, Nuit Debout. Nul doute que les affrontements ont continué, une fois la violence attisée c'est plus difficile de la calmer. Et quand on a plus rien à perdre, difficile de s'arrêter. "Qui sème la misère récolte la colère" qu'ils disaient. Faute avouée à moitié pardonnée.
Who sows misery
(UPDATE 03/12/2018: 80-year-old woman died after being hit by shrapnel from grenades)
-
Demonstrations in Marseille, December 1, 2018.
I leave my house around 2:30 pm. Arrived on the boulevard de la Libération I am informed that there are still few people on the Vieux Port, the Yellow Vests would be en masse at the Terrasses du Port, which they would have moreover succeeded in closing. I cut and leave in the direction of Cours Julien, to join the march for a dignified housing for all organized by the collective of November 5th - Noailles en colère. On the way I meet several tags, all in the same spirit. Much more people at Notre Dame du Mont, the march starts quietly escorted by the Police. Young people, less young people, couples and families are there. Pensioners too, homeless people too. First stop in front of the prefecture, owners, tenants, homeless people and shopkeepers of Noailles and the Plain take turns at the microphone. They ask for help. Explanations. Listening. People seem somewhat lost, feel abandoned by the city hall, the politicians. Cours Lieutaud then rue de Rome, second stop for a minute of silence, respected. Arrived on the Canebière we meet the procession of the Yellow Vests, moment of floating but no clash, people gather quietly. Some flags of the CGT, the NPA and the PCF. We see some antifascists too but still no violence. The Police are discreetly watching, preparing themselves. All the demonstrators move towards the city hall, quai du port. The city hall has been barricaded, serflex ensuring that the barriers are not removed. Behind these barriers the CRS. The demonstrators begin to shout their messages, their demands. They insult Gaudin, Macron, inevitably. A smoke bomb is cracked. Everything falls over. It is the signal for the sending of tear gas and grenades of dispersion by the CRS on the crowd where mingled therefore demonstrators, onlookers and tourists. The crowd moves back, a little moment of panic. Incomprehension of the majority of the people who were there peacefully. We don't understand this gratuitous violence. It is 6 pm and the benevolent and good-natured atmosphere of the beginning has given way to a climate of chaos. The Christmas trees of the Old Port are burned as a sign of protest. The construction site barriers were recovered to make a barricade and slow down the CRS charges. One can hardly breathe anymore on the Old Port. Little by little, the crowd is pushed back to the Canebière where it reorganizes itself. Tired of being the perpetual target of gas, other violence broke out. Some took advantage of this to attack the street furniture, the window of the Orange store. But nothing very nasty. The tires of the parked police cars were slashed, I was told later that there was even a burnt car. In the ranks of the demonstrators still present at 7pm, the same messages as 4 hours earlier, demands for explanations, that the politicians be held accountable, that they finally be listened to in their distress, that the available budgets be used for emergencies. On the other hand, the same answers, gassing and systematic charges. The message of this sunny beginning of the afternoon was however clear: "who sows misery reaps anger". It has not been understood nor even listened. It is past 7:30 pm, I go home with a feeling of déjà vu, an aftertaste of 2016, Nuit Debout. No doubt that the clashes continued, once the violence is fanned, it is more difficult to calm it down. And when you have nothing left to lose, it's hard to stop. "Who sows misery reaps anger" they used to say. A fault confessed is half forgiven.