Andres Preve, le faiseur de pain
Dans d'autres circonstances, j'aurais pensé que son pain était bon, même très bon, et je serais passée à autre chose. Mais voilà, je suis installée à Taïwan depuis janvier, le pain ne fait pas partie des habitudes alimentaires locales, il n'y a aucune boulangerie dans mon environnement proche, je suis en sevrage depuis presque un semestre, je rêve d'une croûte croustillante qui me griffe le palais et d'effluves de viennoiseries qui activent mon circuit de la récompense même si je ne le mérite peut-être pas. De fait, en poussant la porte de ce café-restaurant-épicerie-traiteur-boulangerie - un repère d'expats et/ou de touristes il faut bien l'avouer, où mon hôtesse se réfugie parfois - à Hoi An, belle petite ville vietnamienne où je me suis exilée temporairement, je suis incapable de rester insensible au charme craquant de ces boules de pain délicatement posées dans des paniers nominatifs sur une table entre fromages et pâtisseries. Puis le voilà qui descend du 1er pour déposer une autre de ses merveilles. Il fait une pause en chemin pour fièrement présenter sa dernière création à des clients du jour. De loin, je le perçois possédé, passionné. Lui ? C'est Andres Preve. Un jeune Mexicain de 27 ans qui fait donc du (très bon) pain dans une boulangerie vietnamienne. Cela ne s'invente pas. Alors, un beau matin, je l'ai suivi dans son antre pour le voir faire et en savoir plus sur ce qui l'avait mené là.
Andres arrive au Vietnam fin mai 2016 sans autre idée que de faire un trip en moto jusqu'au nord du pays et de trouver un travail à Hanoi. Mais, à court d'argent prématurément, il doit poser son baluchon à mi-chemin. A Hoi An donc. « A cette période de ma vie, tout changeait tout le temps. Je n'avais pas spécialement l'idée de m'installer quelque part mais je restais ouvert à toutes les opportunités » se souvient-il. La suite me fait étrangement penser au film Yes Man, douce dragée fictionnelle et drolatique qui affirme que la vie peut être d'une richesse infinie quand on s'ouvre à elle, aux autres et que l'on réussit à dépasser nos inhibitions auto-protectrices : « Quand je suis arrivé à Hoi An, j'ai pris une nuit dans un hostel sur la plage. Je ne pouvais pas payer plus. Il fallait que je trouve rapidement du travail. Je marchais sur la plage quand deux pêcheurs m'ont appelé « mon ami ». Bien sûr, je ne les connaissais pas. Je me suis approché d'eux et ils ont commencé à m'interroger, je leur ai dit que je venais juste d'arriver, ils m'ont proposé d'aller pêcher avec eux, j'ai dit « oui ! », puis après, ils m'ont invité à partager le poisson, et j'ai dit « oui ! ». Puis ils m'ont présenté à leur famille et m'ont proposé de rester avec eux, et j'ai encore dit « oui ! » ». Au final, Andres séjourne 4 mois chez eux, les aide dans leur restaurant, travaille dans un bar, devient masseur, maçon...
Faire du pain n'est pas encore une réalité. Certes, mi-2015, alors qu'il est au Cambodge, Andres apprend à faire des bagels à Sihanouville auprès de Richard, qu'il perçoit aujourd'hui comme son premier mentor en la matière. S'il ne pense pas un jour devenir boulanger, il se dit alors, qu'au moins, il sait faire des bagels et peut donc les vendre. Que cela ne vous fasse pas croire pour autant qu'il s'agit là de son unique compétence. Seulement, Andres a choisi un autre chemin que celui, tout tracé, que ses antécédents - famille aisée, études dans l'une des meilleures universités du pays - laissaient attendre de lui dans son Mexique natal, qu'il n'a quitté pour la première fois qu'à 25 ans. « Tous les ingrédients de la « zone de confort » étaient réunis. Mais il me manquait quelque chose et j'aime me dire que j'ai mis toutes mes peurs de côté pour tracer ma propre route, quoi qu'il arrive. Sans savoir de quoi demain sera fait. En vivant simplement au jour le jour. Je me suis donné une chance d'être moi-même. Rien de plus. »
Après ces 4 mois à Hoi An, Andres finit par rependre sa Honda win 100cc pour rallier Hanoi où, finalement, il ne s'imagine pas vivre. Retour à la case Hoi An avec l'idée, cette fois-ci, de faire du pain. C'est là qu'il pousse la même porte que moi, qu'il dit au patron du lieu, Gordon, qu'il veut faire du pain, qu'il est prêt à nettoyer la boulangerie s'il le faut, et que dès le lendemain matin, à 6h, il se retrouve au 1er étage de la boutique pour apprendre auprès des deux boulangers alors en place. « J'ai commencé par la base : peser, pétrir, laisser reposer, diviser, façonner, faire lever, couper, cuire, laisser refroidir. Ensuite, cela m'a pris 3 mois pour comprendre comment la pâte réagissait, en fonction de la température, de la météo, des ingrédients utilisés, du timing. Une fois tout cela assimilé, j'étais prêt à « jouer » un peu. »
Andres découvre alors une vidéo sur le pain au levain postée sur YouTube par une boulangerie de San Francisco en Californie, Tartine Baker, et tombe immédiatement amoureux de ce pain. « Pour moi, c'était LE pain. Je voulais entièrement m'y consacrer mais je n'avais ni expérience ni mentor pour m'aider. J'ai donc multiplié les essais pendant 4 mois. Je suivais des recettes mais cela ne fonctionnait pas car la réussite de ce pain dépend de nombreux facteurs. J'ai fini par les mettre toutes de côté pour faire à ma façon. Et c'est ainsi que j'ai fini par réussir. Ce pain-là, il n'y en avait jamais eu à Hoi An avant ! Les gens étaient heureux de venir l'acheter ! C'était une sensation incroyable pour moi. On m'appelait l'artisan boulanger ! » confie-t-il les yeux plein d'étincelles ! Le garçon est assurément passionné. Par le pain certes, mais surtout par la vie, sa vie, celle qu'il s'est construite donc, qu'il vit avec passion et qu'il imagine déjà ailleurs. Prochaine étape : le Portugal ! Pour sa langue et son pain ! « Le Portugais résonne comme une langue harmonieuse et passionnée. Et, d'après mes premières recherches, le pain fait partie intégrante de la culture du pays. Ils ont le Paõ de Centeio, le Paõ Alentejano et plein d'autres pains traditionnels que j'adorerais goûter et apprendre à faire pour explorer d'autres techniques ». Rendez-vous est pris !
Andres Preve, the break maker
Dans d'autres circonstances, j'aurais pensé que son pain était bon, même très bon, et je serais passée à autre chose. Mais voilà, je suis installée à Taïwan depuis janvier, le pain ne fait pas partie des habitudes alimentaires locales, il n'y a aucune boulangerie dans mon environnement proche, je suis en sevrage depuis presque un semestre, je rêve d'une croûte croustillante qui me griffe le palais et d'effluves de viennoiseries qui activent mon circuit de la récompense même si je ne le mérite peut-être pas. De fait, en poussant la porte de ce café-restaurant-épicerie-traiteur-boulangerie - un repère d'expats et/ou de touristes il faut bien l'avouer, où mon hôtesse se réfugie parfois - à Hoi An, belle petite ville vietnamienne où je me suis exilée temporairement, je suis incapable de rester insensible au charme craquant de ces boules de pain délicatement posées dans des paniers nominatifs sur une table entre fromages et pâtisseries. Puis le voilà qui descend du 1er pour déposer une autre de ses merveilles. Il fait une pause en chemin pour fièrement présenter sa dernière création à des clients du jour. De loin, je le perçois possédé, passionné. Lui ? C'est Andres Preve. Un jeune Mexicain de 27 ans qui fait donc du (très bon) pain dans une boulangerie vietnamienne. Cela ne s'invente pas. Alors, un beau matin, je l'ai suivi dans son antre pour le voir faire et en savoir plus sur ce qui l'avait mené là.
Andres arrive au Vietnam fin mai 2016 sans autre idée que de faire un trip en moto jusqu'au nord du pays et de trouver un travail à Hanoi. Mais, à court d'argent prématurément, il doit poser son baluchon à mi-chemin. A Hoi An donc. « A cette période de ma vie, tout changeait tout le temps. Je n'avais pas spécialement l'idée de m'installer quelque part mais je restais ouvert à toutes les opportunités » se souvient-il. La suite me fait étrangement penser au film Yes Man, douce dragée fictionnelle et drolatique qui affirme que la vie peut être d'une richesse infinie quand on s'ouvre à elle, aux autres et que l'on réussit à dépasser nos inhibitions auto-protectrices : « Quand je suis arrivé à Hoi An, j'ai pris une nuit dans un hostel sur la plage. Je ne pouvais pas payer plus. Il fallait que je trouve rapidement du travail. Je marchais sur la plage quand deux pêcheurs m'ont appelé « mon ami ». Bien sûr, je ne les connaissais pas. Je me suis approché d'eux et ils ont commencé à m'interroger, je leur ai dit que je venais juste d'arriver, ils m'ont proposé d'aller pêcher avec eux, j'ai dit « oui ! », puis après, ils m'ont invité à partager le poisson, et j'ai dit « oui ! ». Puis ils m'ont présenté à leur famille et m'ont proposé de rester avec eux, et j'ai encore dit « oui ! » ». Au final, Andres séjourne 4 mois chez eux, les aide dans leur restaurant, travaille dans un bar, devient masseur, maçon...
Faire du pain n'est pas encore une réalité. Certes, mi-2015, alors qu'il est au Cambodge, Andres apprend à faire des bagels à Sihanouville auprès de Richard, qu'il perçoit aujourd'hui comme son premier mentor en la matière. S'il ne pense pas un jour devenir boulanger, il se dit alors, qu'au moins, il sait faire des bagels et peut donc les vendre. Que cela ne vous fasse pas croire pour autant qu'il s'agit là de son unique compétence. Seulement, Andres a choisi un autre chemin que celui, tout tracé, que ses antécédents - famille aisée, études dans l'une des meilleures universités du pays - laissaient attendre de lui dans son Mexique natal, qu'il n'a quitté pour la première fois qu'à 25 ans. « Tous les ingrédients de la « zone de confort » étaient réunis. Mais il me manquait quelque chose et j'aime me dire que j'ai mis toutes mes peurs de côté pour tracer ma propre route, quoi qu'il arrive. Sans savoir de quoi demain sera fait. En vivant simplement au jour le jour. Je me suis donné une chance d'être moi-même. Rien de plus. »
Après ces 4 mois à Hoi An, Andres finit par rependre sa Honda win 100cc pour rallier Hanoi où, finalement, il ne s'imagine pas vivre. Retour à la case Hoi An avec l'idée, cette fois-ci, de faire du pain. C'est là qu'il pousse la même porte que moi, qu'il dit au patron du lieu, Gordon, qu'il veut faire du pain, qu'il est prêt à nettoyer la boulangerie s'il le faut, et que dès le lendemain matin, à 6h, il se retrouve au 1er étage de la boutique pour apprendre auprès des deux boulangers alors en place. « J'ai commencé par la base : peser, pétrir, laisser reposer, diviser, façonner, faire lever, couper, cuire, laisser refroidir. Ensuite, cela m'a pris 3 mois pour comprendre comment la pâte réagissait, en fonction de la température, de la météo, des ingrédients utilisés, du timing. Une fois tout cela assimilé, j'étais prêt à « jouer » un peu. »
Andres découvre alors une vidéo sur le pain au levain postée sur YouTube par une boulangerie de San Francisco en Californie, Tartine Baker, et tombe immédiatement amoureux de ce pain. « Pour moi, c'était LE pain. Je voulais entièrement m'y consacrer mais je n'avais ni expérience ni mentor pour m'aider. J'ai donc multiplié les essais pendant 4 mois. Je suivais des recettes mais cela ne fonctionnait pas car la réussite de ce pain dépend de nombreux facteurs. J'ai fini par les mettre toutes de côté pour faire à ma façon. Et c'est ainsi que j'ai fini par réussir. Ce pain-là, il n'y en avait jamais eu à Hoi An avant ! Les gens étaient heureux de venir l'acheter ! C'était une sensation incroyable pour moi. On m'appelait l'artisan boulanger ! » confie-t-il les yeux plein d'étincelles ! Le garçon est assurément passionné. Par le pain certes, mais surtout par la vie, sa vie, celle qu'il s'est construite donc, qu'il vit avec passion et qu'il imagine déjà ailleurs. Prochaine étape : le Portugal ! Pour sa langue et son pain ! « Le Portugais résonne comme une langue harmonieuse et passionnée. Et, d'après mes premières recherches, le pain fait partie intégrante de la culture du pays. Ils ont le Paõ de Centeio, le Paõ Alentejano et plein d'autres pains traditionnels que j'adorerais goûter et apprendre à faire pour explorer d'autres techniques ». Rendez-vous est pris !