Immersion dans l univers ultra au mondial anti raciste de football
Ils sont violents, racistes, ils cherchent la bagarre. A cause de leur presence les stades sont vides, les familles ont quitte les tribunes et le foot n est plus un sport populaire?
Histoire particuliere d un voyage pas comme les autres dans le monde des Ultras et autres hooligans engages dans l?antiracisme.
Comme c est etrange de se retrouver dans un championnat de foot contre le racisme, en Italie. Quatre jours de foot, sur fond d antiracisme, de concerts et de debats dans un petit bois pres de Modene. 200 equipes environ, qui s affrontent dans un tournoi amicale de foot. C est étrange surtout lorsque les premiers que l on voit, assis au bar du site, sont des ultras. En Europe on a une certaine image des Ultras. Ils sont violents, ils sont racistes, limite cingles et cherchent toujours les affrontements. Il faut neanmoins se rapprocher pour comprendre les raisons de leur presence. Parfois on se nie a soi-meme la possibilite de comprendre. Les Ultras sont une masse unique de gens d extreme droite, dit-on. C est pour cette raison qu il est interessant de comprendre pourquoi, confondus entre les immigres et les pacifistes presque hippies, l on trouve le groupe des Ultras de L Olympique de Marseille, les « ULTRAS MARSEILLE » (Commando Ultra 84, au Velodrome).
Il sont l un des sept groupes d ultras de L OM, et denombre pres de 4500 inscrits (supporters et ultras). Ils sont au bar gere par les Ultras Tito de la Sampdoria de Genes. Les deux groupes se respectent et s apprecient. Ils sont jumeles depuis longtemps.
Apres quelques mefiances (ils n aiment pas parler avec des journalistes), ils acceptent de parler, sous leur tonnelle, celle des Ultras de l O.M. Ils sont une quinzaine d hommes et de femmes. Il y a aussi une fillette avec eux. Ils sont tatoues partout. Il fait chaud.
Parfois il est plus facile de se rapprocher de sujets dont on est totalement ignorant. Il est plus facile poser des questions, quand on ne connait rien. Qu est-ce qu un ultra? En quoi est-il different d un simple supporter de foot ? L homme qui parle pour premier s appelle Christophe, president du groupe des ultras, et fan inconditionnel de l OM depuis quelques decennies. Il repond sans détour : « Un supporter regarde son match avec son pop-corn. Il est heureux si son equipe gagne et ça suffit. Nous, les Ultras, vivons le foot toute la semaine, toute l annee. Pour nous, il n existe que l Olympique Marseille. On prend l intégralite de nos vacances pour suivre les deplacements ». On pourrait dire qu ils mangent football, dorment football, vivent football, mais ce n est pas exactement comme ça qu ils voient les choses. Christine, une ultra membre du bureau, intervient et precise : « On mange ultra, on dort ultra, on vie ultra. Il y a toute une maniere de vivre autour de ça, toute une facon de penser. C est un choix. Christine est une femme forte, directe, au franc-parler. En quelques mots elle explique sa position sans laisser de place aux doutes. Etre Ultras explique-t-elle signifie soutenir son equipe, toujours, garder l honneur et l histoire de ses couleurs et de sa ville. Pour faire ça, il faut s engager. Il n y a pas d autres moyens pour le faire ». Ils ne soutiennent pas forcement l equipe ou la direction en permanence, mais l institution de l?OM, qui elle, sera encore la, avec eux, alors que le temps aura eu bien avant raison des dirigeants et des joueurs se succedant mercato apres mercato.
Pendant qu on parle, on se rappellera qu on est aux Mondiali Antirazzisti (le nom de la manifestation en italien), et qu ils sont Ultras. « L antiracisme, c est notre priorite repond Christine. Les Ultras Marseille sont engages dans l?antiracisme. On vient ici depuis les toutes premieres editions. Pour nous, etre Ultras, ca passe aussi par le fait d etre présent et donner un signal. Ca fait partie de notre engagement en tant qu ultras ». « On pourrait etre en vacances » intervient Christophe « mais on ne pouvait pas renoncer a participer, a confirmer notre présence, avec nos valeurs : Les Ultras Marseille sont antiracistes. Nous sommes lie a cette manifestation, on y croit, et nous voulons qu elle survive. Ils ne souhaitent pas le crier sous tout les toits, mais ils ont offert leur dotation financière decerne par la LFP de « Meilleur Public de France » à l organisation du Mondiali, qui risquaient de fermer. L atmosphere devient plus amicale. On boit un verre et l un des membres explique comment les longs deplacements pour suivre l OM en Europe, peuvent representer trois jours de liberte. Tout le monde rie, l heure est aux souvenirs. L OM est une equipe qui a une histoire. On pourrait penser que le meilleurs souvenir soit, sans aucun doute, la victoire de la Ligue des Champions en 1993, mais il n y a pas forcement que ca dit Christophe. Ca, c est vrai pour les supporters. On est Ultras et la victoire de la Ligue des Champions c est l un des tout meilleurs souvenirs, peut etre le meilleur, mais on a beaucoup de souvenirs qui ne sont pas liés qu aux matchs. Il y a les deplacements a l etranger, il y a les chants, il y a un jour au Vélodrome, il y a notre vie en tant qu ultra. Desormais on parle de tout, et Christophe, avec tout ses tatouages et son crane rase, transmet une grande humanite pendant qu il parle en serrant sa fille entre les bras, une sensibilite naturelle que l on n aurait pas imagine. Il respire une forme certaine de serenite.
Comme tous les ans il participe au « Mondiali » avec une equipe, mais il faut dire qu?ils sont plus doues en tant qu ultras que comme footballeur. Mais leur but n est pas la.
On peut apercevoir une certaine fierte dans les regards, lorsque l on parle du Velodrome. Christine dit sans hesitation : Nous sommes capables de gerer les dynamiques du stade et de la foule dans le stade. Si nous sommes calmes, la foule est calme. On exhorte les enfants a soutenir nos couleurs, notre maillot. Notre but c est qu ils soient bien et en securite.
On ne peut pas faire l impasse sur l une des raisons pour lesquelles les Ultras ont une aussi mauvaise reputation : les affrontements violents. Nous ne cherchons pas la bagarre, mais nous ne tendons pas non plus l autre joue explique-t-elle. Il faut dire, quand même, que les affrontements sont securises. Ils ne se passent qu?entre Ultras. Ils font partie de la vie qu on a choisie. Il y a des moments pendant lesquelles il faut etre pret a defendre ses couleurs, son maillot, son honneur . C est un choix. Difficile a partager, difficile a comprendre, mais un choix.
Il suffit de faire quelques metres pour avoir la confirmation de cet univers avec Giusi, une Ultra de Bologne. Elle gere l un des bars dans l espace du Mondiali au cote des Ultras de Parme et Modene, l un des bars historiques ici. Elle montre un autre ultra, derriere le comptoir. Nous sommes ici, a travailler ensemble, parce que nous croyons en cette manifestation, a l antiracisme, mais si on se retrouve dans la rue, avec notre drapeaux, nous nous battrons. L explication a l interrogation sous-jacente arrive naturellement : Les affrontements entre les ultras sont liees aux couleurs, aux drapeaux, a l honneur. Si je vois un ultra adverse qui ramene son drapeau, je dois le lui piquer, en l?empechant de me piquer le mien. Si quelqu un vient dans ma tribune, avec ses couleurs, je dois intervenir. Notre honneur c est ça l enjeu. Vu de cet angle, les affrontements entre ultras deviennent symboliques. Ils appartiennent a des logiques, qui echappent a la comprehension des non-ultras. Il y a la dedans quelque chose qui rappellent les anciennes batailles du moyen age.
Elle est tres sympathique Giusi. Elle explique comment, en Italie, le foot pourrait devenir quelque chose a regarder simplement assis sur un sofa. Un spectacle qui ne prevoit pas la presence des Ultras. Elle denonce une tentative de detruire le stade en tant que lieu d agregation par les mesures legislatives approuvees pour dissoudre les groups ultras. On ne cherche pas l impunite, mais on ne peux pas supporter des mesures qui visent a nous faire disparaitre. Les Ultras Marseille avaient dit presque la même chose : ils payent pour les fumigenes allumes pendant les matchs, mais ils ne sont pas disposés a se faire ostraciser des stades. Elle parle de l interdiction, par exemple, d exposer banderoles et pancartes dans les stades italiens. Giusi raconte la fonction vitale des jumelages avec d autres groupes d ultras étrangers. Plusieurs groupes italiens ont eu la possibilite d exposer ses pancartes dans des stades etrangers, ou il y avait des groupes ultras avec lesquelles ils étaient jumeles.
Elle est au bar du Mondiali, depuis le debut, il y a 17 ans. Au début ce n etait pas facile. Il fallait depasser les barrieres des couleurs et de l appartenance, creer un amalgame, une harmonie, un lieu libre. Il fallait oublier tout ca pendant les quatre jours de cette manifestation, a fortiori pour demontrer qu?il y avait des ultras engages dans l?antiracisme et aussi, dans la terre de la resistance partisane italienne, dans l?antifascisme. « Lorsque j evoque les premières editions, je parle du les Mondiali des Pieds » dit Giusi, avec un sourire amuse. « Il y avait plus groupes d ultras qu aujourd hui, mais on restait sous nos tonnelles a se regarder les pieds, pour ne pas croiser les regards des autres, et eviter toutes echauffourees. Maintenant cette manifestation c est une réalite fondamentale a sauvegarder ».
La soiree, dans la grande terrasse du resto, se deroule tranquillement. Les equipes ont termine leur match et mangent ensemble, assis sur des dizaines de metres de bancs en bois. Quelqu un commence a chanter. C?est un slogan ultra, mais sans aucun mot. En quelques minutes tout le resto se me a le suivre. Ils sont quelques centaines. Ils n y a pas que des ultras. Ils sont partages en deux groupes. Ils semblent s engueuler en s echangeant le meme chant, sans mots. Latmosphere se rechauffe, surtout pour le naif non averti, mais ils n entrent pratiquement jamais en contact physique. Ils basculent les tables, les bancs, allument des fumigenes, et chantent toujours le meme air, pendant des heures. Ils se provoquent gentiment, mais ne se toucheront jamais.
Le chant est répétitif et sans mots, je le sais. dit Carlo Balestri, l un des fondateurs du Mondiali Antirazzisti mais on ne peut pas faire autrement. Les Ultras ont beaucoup d autres chants, mais ils pourraient offenser les autres ultras, donc on fait expres d?entonner les chants comme ça, sans couleurs, sans appartenance ».
C est un choix, personne n aime que ses propres convictions ne soit insultees.
Immersed in the ultra universe at the global anti-racist football world
They re violent, racist, they re looking for a fight. Because of their presence the stadiums are empty, families have left the stands and football is no longer a popular sport...
A special story of a journey unlike any other in the world of Ultras and other hooligans engaged in anti-racism.
How strange to be in a football championship against racism in Italy. Four days of football, against a backdrop of anti-racism, concerts and debates in a small wood near Modena. About 200 teams, competing in a friendly football tournament. It's strange especially when the first ones you see, sitting at the site bar, are ultras. In Europe we have a certain image of the Ultras. They are violent, they are racist, borderline crazy and always seek confrontation. Nevertheless, it is necessary to get closer to understand the reasons for their presence. Sometimes you deny yourself the opportunity to understand. Ultras are a unique mass of people from the far right, it is said. It is for this reason that it is interesting to understand why, confused between immigrants and almost hippie pacifists, there is the group of Ultras de L Olympique de Marseille, the "ULTRAS MARSEILLE" (Commando Ultra 84, at Velodrome).
They are one of the seven ultras groups of L OM, and there are nearly 4500 registered (supporters and ultras). They're at the bar run by the Sampdoria Ultras Tito. The two groups respect and appreciate each other. They have been twinned for a long time.
After a few mefiances (they don't like talking to journalists), they agree to speak, under their arbour, that of the Ultras de l'O.M. They are about fifteen men and women. There is also a little girl with them. They're tattooed everywhere. It is hot.
Sometimes it is easier to get closer to subjects you are totally unaware of. It's easier to ask questions when you don't know anything. What is an ultra? How is he different from a simple football fan? The man who speaks first is Christophe, president of the ultras group, and an unconditional OM fan for several decades. He replies bluntly: "A fan watches his game with his popcorn. He's happy if his team wins and that's enough. We Ultras live football all week, all year round. For us, there is only Olympique Marseille. We take the entirety of our holidays to follow the movements". You could say they eat football, sleep football, live football, but that's not exactly how they see it. Christine, an ultra member of the office, intervenes and specifies: "We eat ultra, we sleep ultra, we live ultra. There's a whole way of living around it, a whole way of thinking. It is a choice. Christine is a strong, direct, outspoken woman. In a few words, she explains her position without leaving any room for doubt. To be Ultras, she explains, means to support her team, always, to keep the honour and history of her colours and her city. To do that, you have to be committed. There are no other ways to do this. They do not necessarily support the team or the management at all times, but the institution of OM, which will still be there, with them, while time will have had well before that, leaders and players succeeding each other mercato after mercato.
As we speak, we will remember that we are at Mondiali Antirazzisti (the name of the event in Italian), and that they are Ultras. "Antiracism is our priority," replied Christine. The Ultras Marseille are committed to anti-racism. We've been coming here since the very first editions. For us, being Ultras also means being present and giving a signal. It's part of our commitment as ultras. "We could be on holiday" says Christophe " but we couldn't give up participating, confirming our presence, with our values: Ultras Marseille are anti-racist. We are linked to this demonstration, we believe in it, and we want it to survive. They do not wish to shout it from the rooftops, but they offered their financial endowment awarded by the LFP as "Meilleur Public de France" to the Mondiali organization, which was in danger of closing. The atmosphere becomes more friendly. We have a drink and one of the members explains how the long journeys to follow OM in Europe can represent three days of freedom. Everyone laughs, it's time for memories. OM is a team with a history. One might think that the best memory is, without a doubt, the victory of the Champions League in 1993, but it doesn't necessarily have to be Christophe. That's true for the fans. We are Ultras and the Champions League victory is one of the best memories, maybe the best, but we have many memories that are not only related to the games. There are moves abroad, there are songs, there is a day at the Velodrome..., there is our life as ultra. Now we talk about everything, and Christophe, with all his tattoos and his shaved head, transmits a great humanity while he talks by hugging his daughter in the arms, a natural sensitivity that we would not have imagined. He breathes a certain form of serenity.
As every year he participates in the "Mondiali" with a team, but it must be said that they are more talented as ultras than as a footballer. But their goal is not there.
You can see a certain pride in the eyes when you talk about the Velodrome. Christine says without hesitation: We are able to manage the dynamics of the stadium and the crowd in the stadium. If we are calm, the crowd is calm. We urge children to support our colours, our jersey. Our goal is for them to be well and safe.
One of the reasons why Ultras have such a bad reputation cannot be ignored: violent clashes. We're not looking for a fight, but we're not turning the other cheek either," she explains. It must be said, however, that the clashes are secure. They only happen between Ultras. They are part of the life we have chosen. There are times when you have to be ready to defend your colours, your jersey, your honour. It is a choice. Difficult to share, difficult to understand, but a choice.
You only have to walk a few meters to get confirmation of this universe with Giusi, a Bologna Ultra. She manages one of the bars in the Mondiali area near the Ultras of Parma and Modena, one of the historic bars here. It shows another ultra, behind the counter. We are here, working together, because we believe in this demonstration, in anti-racism, but if we end up on the street, with our flags, we will fight. The explanation for the underlying question comes naturally: The clashes between the ultras are related to colors, flags, honor. If I see an ultra opponent bringing back his flag, I have to take it from him, preventing him from taking mine. If someone comes into my gallery, with his colours, I have to intervene. Our honor is what is at stake. Seen from this angle, the clashes between ultras become symbolic. They belong to logics, which escape the understanding of non-ultras. There's something in there that reminds us of the old battles of the Middle Ages.
She's very nice Giusi. She explains how, in Italy, football could become something to watch simply sitting on a sofa. A show that does not foresee the presence of Ultras. It denounces an attempt to destroy the stadium as a place of aggregation by the legislative measures approved to dissolve the ultras groups. We are not looking for impunity, but we cannot tolerate measures that aim to make us disappear. The Ultras Marseille had said almost the same thing: they pay for the smoke lit during matches, but they are not willing to be ostracized in stadiums. She talks about the ban, for example, on displaying banners and signs in Italian stadiums. Giusi tells the story of the vital function of twinning with other foreign ultras groups. Several Italian groups had the opportunity to display their signs in foreign stadiums, where there were ultras groups with whom they were twinned.
She's been at the Mondiali bar since the beginning, 17 years ago. At first it was not easy. It was necessary to overcome the barriers of colour and belonging, to create an amalgam, a harmony, a free place. All this had to be forgotten during the four days of this demonstration, a fortiori to show that there were people who were ultra committed to anti-racism and also, in the land of Italian partisan resistance, to antifascism. When I mention the first editions, I mean the Mondiali des Pieds, says Giusi, with an amused smile. There were more groups of ultras than today, but we stayed under our arbours looking at each other's feet, so as not to cross paths with other people's eyes, and avoid any heat. Now this event is a fundamental reality to be safeguarded.
The evening, in the large terrace of the restaurant, takes place quietly. The teams have finished their game and eat together, sitting on tens of metres of wooden benches. Someone starts singing. It s an ultra slogan, but without any words. In a few minutes the whole restaurant followed him. There are a few hundred of them. It s not just ultras. They are divided into two groups. They seem to argue by exchanging the same song, without words. The atmosphere warms up, especially for the uninformed naive, but they almost never come into physical contact. They tilt tables, benches, light smoke, and always sing the same tune for hours. They provoke each other gently, but will never touch each other.
The singing is repetitive and without words, I know it. says Carlo Balestri, one of the founders of the Mondiali Antirazzisti but we can t do otherwise. The Ultras have many other songs, but they could offend the other ultras, so we expressly sing the songs like that, without colors, without belonging.
It is a choice, no one likes their own convictions not to be insulted.